
Dans un contexte mondial marqué par des bouleversements économiques, démographiques et géopolitiques, la France et de nombreux pays développés se trouvent à un moment charnière de leur histoire. Les dettes publiques atteignent des niveaux vertigineux, les déséquilibres sociaux persistent, les tensions commerciales s’intensifient, et les transitions énergétiques et climatiques imposent de nouvelles contraintes. Dans ce paysage complexe, certains secteurs comme le médico-social et le sanitaire reflètent bien les mutations qui doivent être opérées afin de pouvoir transformer le problème en solution
Déficit, dettes et pression fiscale
Depuis la crise sanitaire, la dette publique française a connu une envolée spectaculaire. Elle devrait atteindre 3 000 milliards d’euros en 2024, soit trois fois son niveau de 2003. Et cette spirale ne semble pas ralentir : la charge de la dette pour l’État pourrait presque doubler entre 2023 et 2027, passant de 38 à plus de 74 milliards d’euros. Ce phénomène s’explique en partie par un modèle fiscal déséquilibré : les prélèvements sur le travail et les entreprises sont nettement supérieurs à la moyenne européenne, avec une fiscalité sur le capital et la production qui freine l’activité. La France se distingue par des prélèvements obligatoires représentant 43,8 % du PIB, contre 39 % en moyenne dans l’UE.
Ce modèle alimente un cercle vicieux : une base fiscale affaiblie, des déficits budgétaires persistants, une forte redistribution pour compenser les inégalités issues d’un marché de l’emploi souvent dégradé, et en retour, une pression fiscale qui étouffe la compétitivité. Le marché du travail reste marqué par un taux d’emploi insuffisant et des emplois peu qualifiants, malgré un taux de chômage historiquement bas à l’échelle européenne. Parallèlement, l’automatisation menace de nombreux métiers, notamment dans les secteurs administratifs ou de la vente. Dans un monde de plus en plus numérisé, l’humain reste une valeur centrale… mais trop souvent négligée.
Fracture démographique
La transition démographique constitue une autre fracture majeure. L’Europe vieillit, la France aussi : un habitant sur cinq a plus de 65 ans, et un sur dix plus de 75 ans. Le taux de fécondité reste bas (1,68 enfant par femme), alors que la pyramide des âges s’inverse. À l’horizon 2100, certains pays comme la Chine, le Japon ou la Corée verront leur population divisée par deux, tandis que l’Afrique représentera près de 40 % de la population mondiale, avec des puissances émergentes démographiques comme le Congo (400 millions d’habitants attendus).
Fin de la mondialisation ?
Dans ce contexte, les tensions géopolitiques s’exacerbent. Le guerre en Ukraine, la rhétorique protectionniste, notamment aux États-Unis, ainsi que l’émergence de nouveaux blocs d’influence tels que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), menacent les équilibres commerciaux mondiaux. Le retour de Donald Trump s’accompagne d’un programme économique radical et imprévisible, entre dérégulation massive, remise en cause des traités climatiques, et volonté assumée d’exercer une domination commerciale par la contrainte. Une hausse de 25 % des droits de douane américains – en vigueur depuis le 3 avril 2025 – devrait coûter jusqu’à 0,5 point de PIB aux grandes économies du « vieux continent » ; celles-ci vont devoir repenser leurs échanges peut-être au profit du marché européen.
Défi climatique et environnemental
À cela s’ajoutent les défis environnementaux. Les effets du dérèglement climatique se font de plus en plus visibles : canicules, incendies, fonte des glaciers, baisse de la biodiversité. La France a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 31 % depuis 1990, mais les transports restent le premier poste émetteur et les gains industriels sont menacés par le coût de l’énergie. À l’échelle mondiale, les pertes agricoles, la raréfaction de l’eau et les migrations climatiques à venir redessinent les équilibres.
Et le secteur de la santé dans tout ça ?
Dans ce monde en mutation, le secteur médico-social et sanitaire se situe à la croisée des enjeux : il incarne à la fois un besoin croissant – lié au vieillissement, à la dépendance, à la précarité – et un réservoir d’emplois durables. Pourtant, ce secteur reste sous-financé, mal reconnu, et en grande tension RH. Alors que les dépenses sociales représentent près de 30 % du PIB en France (contre 6 % en 1938), leur efficacité est remise en cause par la complexité du système et l’insuffisance de moyens humains sur le terrain. Réinvestir dans le secteur de la santé (sanitaire et médico-social), c’est non seulement améliorer l’accompagnement des populations fragiles, mais aussi dynamiser les territoires, créer de l’emploi qualifié et porteur de sens, renforçant ainsi le lien social. C’est un levier de résilience, autant qu’un pilier d’avenir.
Source : Conférence sur les perspectives économiques mondiales et européennes par Jean-François ROBIN, Responsable mondial recherche chez Natixis Corporate & Investment Banking (groupe BPCE) du 31 mars 2025